La joie porte dans ses bras le cœur limpide et apaisé
C'est
la première phrase du court mélodrame de Franz Schubert, Adieu à la
terre, qui introduit de manière très émotionnelle le
concert-hommage à Bruno Ducol (1949-2024),
élève de Messiaen et fidèle invité du festival, qui s'est éteint le 11 janvier
dernier des suites d'une longue maladie. Sur scène, trois interprètes avec qui
il a entretenu un long compagnonnage : la soprano Laura Holm,
qui, à côté du Quatuor Bela, a créé puis gravé en 2021 son Adonaïs, le
pianiste Jonas Vitaud,
professeur au Conservatoire National Supérieur de Paris et le récitant Matthieu
Marie. Trois des douze mélodies d'Harawi de Messiaen sont chantées
par Laura Holm tandis
que Jonas Vitaud interprète Regard
du silence, extrait des Vingt Regards sur l'Enfant-Jésus. Sous ses
doigts également, deux Études de rythmes op.20 (1992)
de Ducol, compositeur et rythmicien, comme Messiaen, qui aimait se confronter aux
exigences de la combinatoire et de l'énergie du geste.
Au programme également, réunissant cette fois les trois interprètes, l'opus 50 et dernière œuvre de Bruno Ducol, Entre regard et silence, hommage à Olivier Messiaen, qu'il laisse inachevée. L'œuvre donnée en création mondiale est composée à partir de poèmes de François Cheng dont sept sur neuf ont pu être mis en musique. Le texte est à la fois dit et chanté, entretenant une étroite complicité entre la chanteuse et le comédien (écho, relais, doublure), le pianiste donnant parfois lui aussi de la voix. De petites percussions, les crotales pour la chanteuse et le gong pour le comédien, complètent le nuancier des couleurs et des résonances. L'écriture y est ciselée, entre temps étiré et fulgurance rythmique, et l'équilibre délicat entre les trois instances amenées à fusionner en un objet sonore à appréhender en soi. Au quatrième poème, le pianiste enlève le pupitre pour jouer dans les cordes de l'instrument, sorte de piano-cithare faisant écho à la poésie lunaire de Cheng. S'expriment dans cette dernière partition de Bruno Ducol l'attachement passionnel du compositeur pour les mots du poète et sa recherche obstinée, à travers le son, sa couleur et son énergie pure, de l'origine de l'idée.