Oeuvres / Métalayi III


Commande de Radio-France
pour piano et orchestre, Op. 19¹
Paris, soliste Louise Bessette, Orchestre Philharmonique de Radio-France, dir. Yves Prin (1990)


durée : 21' ca

Auditorium Maurice Ravel, Lyon 1985
Auditorium Maurice Ravel, Lyon 1985
Lorsque j'entrepris cette composition, je désirais associer les phénomènes paradoxaux d'une transmutation (“Metalayi”) et d'une pièce à caractère concertant. Mes deux précédentes Métalayi pour orchestre présentaient en effet les métamorphoses progressives d'une grande masse sonore, pour laquelle l'émergence d'un soliste eût semblé quelque peu contraire à l'optique originelle.
Ici, l'orchestre est relativement moins compact et son volume, plus restreint et transparent, favorise une “métalayi” essentiellement rythmique. Les cinq “mouvements” de celle-ci comporte un fondement commun, et chaque grande partie révèle une étape dans la transmutation : les cellules qui ont donné l'élan initial, avec toute sa brutalité, émergent successivement comme grossies au microscope, puis peu à peu déformées ou diffractées en multiples éclats.
Dans cette voie (et avec cette clarification qui semble s'affirmer avec mon évolution) j'ai traité le piano lui-même, surtout comme un élément d'impulsion, comme le moteur rythmique et dynamique de l'ouvrage. Fréquemment joint à un deuxième piano - qui est un peu son écho, ou son ombre - aux timbales et divers claviers de percussion, ou à des instruments graves, le soliste acquiert une force accrue, susceptible d'ébranler plus efficacement tout l'espace environnant.
D'autre part, bien que le piano joue ici un rôle central, son traitement ne correspond pas exactement au concerto traditionnel. Le soliste par exemple s'oppose très rarement à l'orchestre. J'ai pensé plutôt des groupes instrumentaux comme ramifications du piano, soulignant certaines aspérités rythmiques ou prolongeant certaines couleurs par leurs miroitements. Parfois cependant, le soliste irise l'ensemble par ses crépitements ou résonances diverses, acquérant davantage le rôle d'un protagoniste, meneur de jeu.
On relèvera en revanche des oppositions plus nettes dans le langage musical, notamment entre la tension rythmique et un donné harmonique relativement clair et stable (même lorsqu'il intègre l'univers micro-tonal). Ce dernier est pour moi la contrepartie nécessaire à l'épanouissement des forces fondamentales. Ni l'épaisseur polyphonique, ni le taux de changement harmonique ne réussissent à entraver leurs évolutions. Le propos d'Héraclite, qui sert d'exergue à cette oeuvre, illustre exactement cet affrontement :

Les contraires s'accordent et la belle harmonie naît de ce qui diffère.
Toute chose naît de la lutte (H./D.K. 8).

Les cinq parties de cette troisième Métalayi portent les sous-titres suivants :

1 - Impulsions
2 - Appels
3 - Canons
4 - Légendes
5 - Pulsions.


1 Dédié à Louise Bessette. Editions Salabert, Paris 1990